Empêchées d’adopter malgré un arbitrage européen
Homosexualité. Le conseil général du Jura va contre une décision de la Cour européenne des droits de l’homme en faveur d’un couple lesbien.
Il y a pile un an, elles se tombaient dans les bras. Elles savouraient une décision de justice historique. La Cour européenne des droits de l’homme condamnait la France pour avoir refusé d’accorder un agrément à Emmanuelle B., une homosexuelle candidate à l’adoption. Il s’agissait pour les juges européens d’une «discrimination» basée sur l’orientation sexuelle. Selon eux, l’administration française a alors porté «atteinte au droit de mener une vie privée et familiale». Las. Les bonnes nouvelles ne durent jamais longtemps. Emmanuelle B. vient de se voir refuser à nouveau l’agrément, ce passeport indispensable à toute procédure d’adoption, par le conseil général du Jura où elle réside. Ceux qui se réjouissaient il y a un an ont du mal à croire à ce retournement. Emmanuelle B. se dit «très affectée». Son avocate, Caroline Mécary, parle d’un «flagrant délit d’homophobie». Les juges à Strasbourg s’étonnent, puisque l’arrêt de la cour est censé s’imposer au droit français. Faudra-t-il vraiment qu’en France les homos qui désirent devenir parents continuent de se planquer ?
«Non-implication». Quand elle a entamé les démarches d’adoption, il y a dix ans, Emmanuelle B., enseignante, n’a pas caché son homosexualité. Elle n’a pas gommé sa relation longue de dix années avec sa compagne, Laurence. Mais sa demande formulée en tant que célibataire (puisque la loi ne permet pas aux couples homos d’adopter) a été rejetée. Le conseil général vient de réitérer son refus. Hier, il s’est justifié en expliquant que le motif invoqué n’était «pas du tout lié à l’homosexualité». Jean Raquin (divers droite) a invoqué un désaccord entre Emmanuelle et sa compagne sur l’âge de l’enfant à adopter et une «non-implication» de Laurence.
«Acharnement».Un reproche pour le moins paradoxal. Tout cela est contredit par les enquêtes menées par l’assistante sociale et la psychologue. Celle-ci indiquait ainsi que les deux femmes «semblent former un couple uni et complémentaire. […] Malgré un modèle de couple différent, le contexte socioculturel et familial élargi est harmonieux. Sans idéalisation excessive, elles placent l’enfant au centre de leurs préoccupations. Elles s’inscrivent dans une vraie dynamique de devenir parents adoptifs et d’un désir d’enfant par l’intermédiaire de l’adoption». L’administration est passée outre.
«Seules des convictions idéologiques hostiles aux homosexuels peuvent expliquer un tel acharnement», a declaré l’Inter-LGBT. L’association des Parents gays et lesbiens déplore elle aussi cette régression. «Gageons que la France sera encore condamnée au niveau européen.»Jusqu’à quand